Derrière le profil Miss Sugar Cane Paris, se trouve Marine Chotard, grande passionnée de la fabrication de bijoux et de la culture du vintage. Dans la boutique située rue des Dames dans le XVIIe à Paris, deux concepts se mêlent : la création et le chinage. Décorée tel un boudoir, la boutique invite à plonger dans son intimité, à voyager dans la mode des décennies passées et à considérer le vêtement comme un témoignage d’une époque, sans tomber dans le réactionnisme.
Pourtant, Marine a, à l’origine, une piètre opinion de la mode:
La mode, ce n’est pas quelque chose que j’aime. J’imagine une industrie à bout de souffle, des fringues en pagaille vendues et fabriquées n’importe comment, j’imagine des tendances qu’on nous sort du chapeau parce qu’il faut vendre à tout prix.
En réalité, ce qui est décrié est une confusion des termes, puisqu’on considère la mode identiquement à l’industrie de la mode. Si la mode se définit comme un phénomène esthétique, historique et culturel étudié par les sciences sociales, son industrie convoque les disciplines de l’économie et des sciences techniques. Or, actuellement, la question de l’industrie de la mode a pris une telle ampleur dans le champ de la mode qu’elle l’a quasiment supplantée.
La mode perd l’individu.
Or, ce qui intéresse Marine, c’est bien de replacer l’individu au centre de sa propre réflexion vestimentaire. Son travail est celui d’accompagner à braver l’uniformité, et trouver son identité.
La mode est intéressante quand elle touche à l’humain, à l’intimité.
Certains.es aiment la musique baroque, d’autres le dessin manga et d’autres l’escalade. De la même manière que nous avons tous des passions différentes, nous avons tous des morphologies différentes. Si la diversité des corps est encore minime dans l’industrie de la mode, la mode, dans sa définition la plus large, s’enrichit d’une nouvelle génération d’acteurs qui célèbrent la diversité et non l’uniformité.
La mode est tout sauf superficielle.
Le cercle effréné de l’industrie de la mode coupe tout rapport humain entre le/la vendeur.euse et l’acheteur.euse, puisque les objectifs ne sont pas les mêmes. Dans une grande enseigne, l’objectif est chiffré, tandis que dans une boutique vintage plus modeste, l’objectif est celui de la fidélisation.
La mode peut être également vue comme un terrain de jeu, d’expérimentation. Un moyen de s’approcher d’une période historique révolue, de faire référence à.
Marine déplore que dans un pays comme la France, disposant d’une histoire de la mode extrêmement riche, soit encore si frileuse à ouvrir ce champ à la diversité. On peut aussi y voir une ébauche d’une grande entreprise collective vers une déconstruction de certains fondements de la mode (comme son industrie) pour la repenser dans la contemporanéité qu’est la nôtre.
La mode tourne en rond, la mode devient folle. Il y a tout à réinventer.
Trois mots pour définir la mode ?
Imagination
Singularité
Fun
La mode est morte, vive la mode !
Retrouvez Marine Chotard:
Pour aller plus loin:
Ouvrages
Erner, Guillaume, Sociologie des tendances, Paris, Puf, coll. « Que sais-je? », 2008.
Godart, Frédéric, Sociologie de la mode, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2010.
Pfeiffer, Alice, Je ne suis pas Parisienne, Paris, coll. “Essais-Documents”, Stock, 2019.
Pfeiffer, Alice, Le goût du moche, Paris, Flammarion, 2021.
Article périodique
Maier, Corinne, « La mode n’est plus à la mode », ERES, Savoirs et clinique, n°10, 2009/1.
Podcasts
Qu’est-ce-que la mode, “Jiani Gomes”, Elsie Pomier, produit par Elsie Pomier, 10/04/2020.
Carol Sieczko