Yoni

À ses débuts en tant que professeure de design, Yoni trouvait dans la mode un outil de représentation, d’incarnation d’un rôle. La profession de Yoni l’amène à côtoyer des adolescents en construction, des jeunes adultes en devenir. La mode était donc son moyen de se distinguer dans un milieu estudiantin pouvant parfois être trop regardant sur les apparences. Mais progressivement, elle ressent un décalage entre le costume qu’elle s’oblige à porter et sa personnalité. C’est même de plus en plus criant. Elle décide alors de revenir à un style plus discret, propre à son goût.

Cette réflexion amène à s’interroger sur l’impact des uniformes obligatoires dans certains corps de métiers. On peut distinguer plusieurs niveaux de lecture sur ce sujet. Il y a d’abord l’uniforme stricte et formel, livré aux hôtesses de l’air, stewarts, agents.es de police, de gendarmerie …

Il y a aussi un uniforme, comme le tailleur par exemple, (pour femme et pour homme), qui n’est pas fourni au/à la travailleur.euse par l’entreprise dans laquelle il/elle est employé.e. Parfois non officialisé, il est attendu voire fortement encouragé. 

Du fait de sa fonction, Yoni est en perpétuelle représentation devant ses élèves. Par la force des choses, l’ensemble vestimentaire qu’elle choisit de porter agit sur son auditoire. C’est pourquoi, elle prête attention à ce qu’elle porte devant lui, en évitant des pièces trop révélatrices, afin de maintenir le rapport de professeure à élèves. L’écoute et l’attention sont au cœur de la pédagogie. Le vêtement est alors pensé comme un outil qui y contribue.

“Le trajet aide à se dire “je vais au boulot”. Pendant le confinement, mon salon était mon boulot. Je préparais mes cours en sweat à capuche, puis à 14h, lorsque j’avais le rendez-vous Zoom, instinctivement, je changeais de vêtement.”

“Séparer vie privée et vie publique aide.”

La limite entre vie privée et vie professionnelle est moins évidente dans les professions qui n’impliquent pas le port d’uniforme strict. Comment s’identifier dans l’espace professionnel ? Quel vêtement choisit-on de porter pour ce qu’il dit de nous ? Quel vêtement choisit-on de ne pas porter pour ce qu’il évoque ?

“Il y a aussi la notion de “ne pas faire de choix le matin” dans la logique minimaliste.”

Dans ces cas-ci, l’ensemble bien souvent préféré est celui du jeans/t-shirt/baskets. Or, choisir précisément cet ensemble parce qu’il ne dit rien de nous serait aussi faux que prétendre qu’une femme en jupe est une aguicheuse. Jeans/t-shirt/baskets n’est pas neutre. Cet ensemble témoigne d’une entreprise de neutralité d’un.e individu dans un contexte géographique et temporel précis. La neutralité vestimentaire en 2021 n’est pas la même qu’en 1971.

Le facteur de praticité est aussi important dans les choix pris pour se vêtir. Le fait que Yoni vienne en vélo pour travailler, influe sur ce qu’elle portera. Par exemple, elle préfèrera un pantalon à une jupe, pour des raisons évidentes d’envolées incontrôlées de pans de jupe. 

L’image que l’on pense projeter peut être différente de celle perçue par les autres.

“Il faut aussi se laisser la liberté d’évoluer”

En somme, les choix faits le matin au moment de s’habiller ne sont pas vides de sens. Ils sont volontairement ou involontairement le résultat d’une équation prenant en compte l’espace public que l’on fréquente, les individus côtoyés, les règles de bienséances propres à chaque culture, le contexte historique et social dans lequel on évolue. Malgré ces injonctions, l’image ne devrait pas être aux antipodes de la personnalité, mais plutôt la servir. Prendre conscience de ces automatismes, et les déconstruire est aussi un moyen de se questionner sur ce que l’on veut/aime porter, ce qui relève de notre goût et ce qui relève des attentes extérieures, ce que l’on s’autorise et pourquoi… La mode n’est pas qu’une injonction, elle est avant tout une création !