La particularité de Johanna Rolle est qu’elle ne prétend pas travailler dans la mode. Cette fondatrice de la friperie lyonnaise LOOK VINTAGE utilise la mode passée, celle qui a déjà écrit son histoire. Or comme il est coutume de dire “la mode est un éternel recommencement”. C’est là l’essence même de son travail. 

Johanna Rolle soulève un problème majeur dans l’industrie de la mode : celui de la re-production, la copie ? En effet, il n’échappera à personne que  les marques bas-de-gamme, moyen-gamme et haut-de-gamme reprennent des codes vestimentaires déjà passés. En témoigne le grand retour des pattes d’éléphant tout droit venu des années 1970 et ressurgissent dans les années 2000, que l’on peut aussi voir à l’aune des années 2020 se déambuler sur les trottoirs. On peut y voir tantôt une fainéantise de la part des créateurs, tantôt une forme d’hommage à une époque passée. Dans les deux cas, le consommateur est incité à acheter un produit fraîchement sorti d’usine alors qu’il existe déjà, attendant sagement sur les étagères d’une boutique de seconde main.

“Vu qu’on est tous exposés aux tendances, on est forcément influencé par cette mode. Mais parfois j’y trouve un non sens.”

Pour autant, n’habitant pas dans un terrier, coupé du monde, son travail est fatalement influencé par le système de la mode. Alors qu’elle se refusait à la tendance du tie-dye par exemple, les stratégies publicitaires des marques faisant bien leur travail, progressivement, elle s’est vu repenser son goût sur ce sujet.

Est-ce qu’on ne devrait pas se détacher un peu des tendances et porter ce qui nous plait, sans trop se soucier de la mode ?  “

Dans cette optique, puisque tout revient et ne part jamais vraiment, ne serait-ce pas l’occasion pour nous, habillés.ées de se vêtir comme nous le souhaitons ? Johanna Rolle souligne la dichotomie qui existe entre “la mode” et “l’habillement”. La première est un système hiérarchisé qui relève d’enjeux historiques, d’échanges économiques et d’un idéal du paraître. Le second est un secteur économique, un savoir-faire et un marché dont le but est de vêtir les individus, issus parfois d’une usine industrielle (se revendiquant éco-responsable ou non) ou de seconde-main.

“J’ai l’impression que le marché de la seconde main n’est pas une révolution pour la mode. La vraie révolution dans la mode serait de l’arrêter, la mettre en pause, le temps de remettre tout à zéro, et de reconstruire un système qui est mieux, relocalisé, qui est réfléchi de bout à bout.”

L’industrie de la mode est l’une des plus polluantes au monde. Or, si demain toutes les entreprises de l’industrie de la mode se mettaient en pause, nous aurions encore de quoi nous vêtir pour des dizaines d’années. La révolution écologique de la mode est un leur, tant que les usines continuent à produire et les consommateurs à acheter. 

Triste constat pour nous consommateurs.trices, qui ne demandons qu’à acheter cette salopette vichy vert pastel chez Mango, Zara ou Stradivarius. Alors renversons le point de vue, en ne succombant pas à cette pulsion d’achat, qui n’est induite que par peur de ne pas pouvoir participer à cette tendance, qui reviendra pourtant dans quelques années, alors que nous aurons jeté cette belle salopette pour en racheter encore une autre. Ne succombons pas à cette stratégie publicitaire qui nous pousse à acheter dans l’immédiateté pour ne pas avoir à réfléchir. D’autant que cette salopette vous attend déjà dans une petite boutique de seconde main, dénichée par une chineuse professionnelle.

“La mode c’est politique ! “

Johanna Rolle fait de son expérience de sa boutique de seconde-main un autre constat positif, celui du rajeunissement des personnes sensibilisées à l’impact néfaste de l’industrie de la mode sur la planète. Des jeunes personnes trouvent leur bonheur, parfois accompagnées de leurs parents. Actuellement, la seconde-main rebute encore certaines personnes, d’autres la dévalorise car ils n’y voient pas l’acte de création du styliste. Oui,l’acte ne date pas de la saison dernière, mais plutôt de celle d’il y a 30 ans.C’est ce qui en fait son histoire, sa force et sa qualité. La seconde-main offre la liberté de mixer l’immixable, d’associer l’anachronisme et offre une alternative à la consommation sans créativité.

“Il y aura toujours cette nostalgie du vintage, on en aura toujours besoin, c’est inconscient, on aime tous, ça nous rappelle des choses, […] ça nous rappelle des choses, ça touche quelque chose de plus profond je pense”.