Faire de la mode un champ disciplinaire ? C’est la question que se pose Audrey Millet, ingénieure et historienne de la mode. La mode c’est d’abord un débat, tacite et visuel, puisqu’on fait appel à la sensibilité des apparences.
“Elle [ la mode] va faire réagir les consommateurs aisés ou modestes, mais également les scientifiques, les hygiénistes, les élites politiques, les élites industrielles.”
La mode est à considérer comme un champ disciplinaire en tant que tel puisqu’elle conjugue l’histoire, la science, l’hygiène, la consommation, le genre … Une méthodologie pertinente pour aborder la mode est celle de l’histoire totale. Si on prend comme sujet l’histoire du corset, il faut aussi parler de son ancêtre “le corps à baleine”, Il y a les matériaux qui le compose, les différentes formes qu’il prenait, les multiples manières de le porter, selon les catégories de la population, ses stigmates sur les corps des enfants, des hommes et des femmes. …
On constate des évolutions des diverses pratiques et techniques industrielles et artisanales. On observe les comportements des façonneurs de la mode et des récepteurs (consommateurs de celle-ci). On analyse, les contextes historiques et les perceptions contemporaines. Avec cela, on peut déjà brosser une première histoire de la mode.
On ne peut comprendre le système de la mode sans garder en tête que c’est avant tout une affaire de goût et de désirs. Sans occulter que sa fonction première et essentielle, est celle de couvrir les corps.
“Le désir est le prélude de l’action humaine pour comprendre la mode. »
Qui dit étudier la mode, dit étudier pour chaque période
- la nudité,
- les rapports de classe,
- la musique,
- les mouvements artistiques … puisque chaque élément à sa mode.
Prenons l’exemple du mouvement du hip-hop, né des quartiers new-yorkais défavorisés. Différentes pratiques artistiques émanent de ce courant, comme le break-dance, le rap, le tag… Cette danse, extrêmement acrobatique, incite le danseur.se à se mouvoir en toute liberté sans qu’une ceinture, qu’une pince, ou un col ne vienne entraver le geste. Le survêtement est donc l’ensemble parfaitement adapté à cette pratique. Dès les années 1970-1980, on remarque donc une banalisation du survêtement, s’extirpant de l’enceinte du stade pour atteindre le macadam urbain.
En tant que discipline et méthodologie, l’histoire de la mode est encore aujourd’hui considérée comme un détail futile et superficiel. En témoigne le peu de chercheurs qui en font son histoire. Pourtant les sources archéologiques, écrites, matérielles (habillements) ou imprimées ne manquent pas. Pour les exploiter, il faut les interroger dans le contexte historique, politique et sociétal qui leur est contemporain puisque ceux-ci influent sur l’industrie de l’habillement, les styles, la géographie, les économies, etc…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les français sont très en retard sur l’histoire de la mode. Alors que les anglo-saxons adoptent une démarche interdisciplinaire, la France ne fait pas le deuil du décloisonnement des champs. Appel aux intéressés, voilà la tâche qui nous incombe pour faire une :
“Histoire de l’apparence habillée, maquillée, accessoirisée, liftée.”