Qu’est ce qui n’est pas la mode ? Elsa Morisset est la fondatrice d’Elsa Dorça. Chineuse professionnelle, elle renverse la question en faisant une distinction entre la mode et l’habillement. Si l’habillement est constitutif de la mode, la réciproque n’est pas toujours évidente. L’habillement imposé (les uniformes professionnels en sont un exemple) du fait de son caractère obligatoire, est démuni de toute forme de libre arbitre de l’habillé. Or, la mode est une affaire de choix, de prises de positions. 

“La mode c’est très artistique, créatif. La mode c’est une passion.”

Vu ainsi, la mode est davantage un médium artistique. Le vêtement de mode est la matérialisation de l’idée du créateur par le moyen du textile. Comme tout médium artistique, la mode requiert un savoir-faire précis et des matériaux, parfois coûteux, pour permettre à l’œuvre de prendre forme. 

Dès lors que la création en question sort de l’atelier de l’artiste, elle tombe dans le domaine public. Au risque de devenir un objet réadapté et reproduit, les moyens industriels en propose une version accessible, moins coûteuse, adressée à une plus large palette de consommateurs. Pour Elsa, c’est ce phénomène de vulgarisation d’une oeuvre qui fait entrer la mode dans le champ des “tendances”.

“Inspirée des artistes pour en faire une mode à portée de tous […] La mode se transforme en tendance.”

Le système des tendances repose sur l’éphémère. Il évince toute réflexion sur les vêtements portés. Il annule le dilemme interne qui s’impose à nous lorsqu’on se retrouve face à notre garde-robe au matin. Or, l’art de se vêtir n’est jamais vide de sens,  même lorsque la tenue est imposée. La mode s’établie sur deux principes: l’imitation et la distinction. Prenons l’exemple de l’uniforme scolaire.  Il témoignage d’un costume subi tout en étant ré approprié. C’est ce qu’avait observé Elsa sur les élèves durant son long séjour en Irlande. Par le souci du détail, du col ou de l’ourlet du pantalon plié d’une certaine manière, l’étudiant vient personnaliser ce qui le faisait uniforme.

“Notre style, c’est ce qui nous permet de nous définir et de nous différencier.”

Chiner a été la solution trouvée par Elsa Dorça pour pallier au cercle vicieux industriel et éternel de la fast fashion. En prenant le temps de chercher les pièces qui lui plaisent, les couleurs qui vont, et les formes dans lesquelles elle se sent bien, elle fait, certes; un travail plus long que le geste machinal de piocher une pièce parmi 1000 identiques, dans les chaînes de fast fashion, mais elle mène surtout une réflexion sur la manière dont elle pourrait porter telle pièce, la manière dont elle était portée lorsqu’elle a été créée, et la manière dont elle pourrait se le ré approprier.

“La mode est une source d’inspiration, qui nous rend heureux et ne nous impose aucune de contrainte”
“’S’écouter et s’accepter et faire de la mode une partenaire et non la subir.”

Chiner les pièces d’une autre époque, reconnaître le travail d’un créateur pour accoucher d’un vêtement, ou encore chasser les tendances actuelles, tout est affaire de temporalité. Voilà une autre leçon que nous apprend,

Pour aller plus loin :

Daniel Roche, La culture des apparences, Fayard, 1990.

Erner, Guillaume, Sociologie des tendances, Paris, Puf, coll. « Que sais-je? », 2008.

Retrouvez Elsa Dorça: 

Site internet :  elsadorca.com

Instagram : elsa_dorca_officiel